À ciel ouvert
Appel à projets Talents contemporains, 2000
installation picturale monumentale en extérieur
techniques mixtes, 9 plaques en verre ; 2,2 x 1,6 x 13 mètres (hors fondation)
Prix Internationaux d’Art Contemporain de la Fondation François Schneider, Wattwiller
Se promener à l’intérieur et à l’extérieur d’un dispositif. Circuler entre les couches de peinture et de verre. Laisser chacun profiter de la multiplicité des points de vue. Éprouver physiquement l’épaisseur de la peinture, ses transparences, ses opacités. C’est l’eau, la liquidité, condition première de la peinture qui est à la source de ce projet.
Après avoir peint sur le verre à l’échelle de la main, je suis revenue pour ce projet à l’échelle du corps humain: en effet, cette installation À ciel ouvert est en fait une invitation pour le regardeur à se promener entre neuf plaques de verre alignées comme des portes en enfilade. Il pourra ainsi profiter de la multiplicité des points de vue et des jeux de transparences pour recréer la peinture à l’endroit ou à l’envers, dans son intégralité ou par fragments. Peindre sur 9 plaques de verre qui se suivent ne signifie pas pour moi fragmenter une seule image en 8 autres. Il s’agit de profiter de ce dispositif pour rejouer picturalement les sensations fugaces et souples des mouvements de l’eau en leur substituant les déplacements du regardeur-promeneur et les effets d’optiques des plaques les unes par rapport aux autres.
Il y a en effet, de troublantes ressemblances entre l’eau et le verre : leurs réflexions, leur capacité de transparence et d’opacité viennent tout de suite à l’esprit. Mais il me semble qu’il y a entre le verre et l’eau, quelque chose de plus important, de plus intimiste. Tout d’abord, j’ai pour ces deux matériaux un sentiment de confiance, presque de confidentialité. L’eau enlace le moindre centimètre de peau et porte mon corps dans une douce apesanteur alors qu’elle engloutit la pierre. À chaque bain, j’ai cette étrange sensation d’être comme un poisson dans l’eau, de ne plus faire tout à fait mon poids et d’être constitué d’un peu plus d’air. Elle reflète l’image de mon corps, il suffit d’agiter sa surface pour qu’il disparaisse. Si je m’affole quand je n’ai plus pied, je m’épuise, je flotte sans effort si je calque mes mouvements sur sa fluidité. Ainsi l’eau reflète mon être jusqu’au plus profond de lui-même.
Le verre est le gardien paradoxal de mon intimité : il laisse rentrer la lumière dans mon atelier, baigne mon quotidien et révèle la couleur de mes humeurs. Pourtant, le verre délimite un périmètre entre le dedans et le dehors : si je veux interdire aux regards de prendre le même chemin, il suffit qu’il y ait plus de lumière à l’extérieur pour que la vitre joue son rôle de miroir. Chaque fois que l’on s’approche d’une vitre pour la recouvrir de buée, est-ce pour interdire les regards, effacer les reflets ou pour vérifier sa propre existence.